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06 août 2025

La mer, l'éloquence et la jeunesse :
chronique d’une finale inspirée à la Sorbonne

 

Sous les voûtes solennelles de l’amphithéâtre Richelieu, en ce samedi 8 mars 2025, un silence particulier règne. Celui de l’attente, dense et vibrant. Quinze jeunes finalistes, concentrés, s’apprêtent à prendre la parole face à un jury prestigieux et un public nombreux.


Le décor est somptueux, l’enjeu symbolique : il s’agit de la finale de La Tribune Bleue, un concours d’éloquence entièrement dédié à la mer. Ce projet ambitieux est le fruit d’une collaboration inédite entre la Société des membres de la Légion d’honneur et Deep Blue, un jeune think tank étudiant dédié à la démocratisation des enjeux maritimes auprès de la jeunesse. À l’origine de cette initiative : Amine Lehna, ancien stagiaire à la SMLH, et Lorenzo Specty, étudiant et ami de la SMLH. Deux visages que l’association connaît bien, qu’elle accompagne depuis leurs premiers pas engagés. Leur ambition : faire entendre, à travers la parole des jeunes, les grandes mutations du monde maritime. Le résultat : une scène de haut vol dans un lieu d’exception. 

Une finale sous le signe de l'engagement

Venus d’HEC, de l’ENS, de Sciences Po, de l’Université PSL Dauphine, de Panthéon-Assas et d’autres établissements supérieurs, les 15 finalistes avaient été sélectionnés au terme de plusieurs mois de préparation. Chaque candidat s’est vu confier la mission de défendre, à sa manière, un pan de cette « communauté bleue » évoquée en ouverture par un membre du jury : la mer, cet espace vital où se jouent l’avenir climatique, économique, énergétique et géo-politique du monde. Face à eux, un jury d’exception, à la croisée des mondes maritime, médiatique et académique : l’amiral Alain Coldefy, président de la SMLH ; Jacques Rougerie, architecte-océanographe et membre de l’Académie des beaux-arts ; Francis Vallat, président du Cluster maritime français ; Muriel Réus, journaliste à Sud Radio ; Aurélie Julia, directrice de la Revue des Deux Mondes ; José Manuel Lamarque, chroniqueur à France Inter ; Nadège Baptista, préfète déléguée pour l’égalité des chances ; Guillaume Thieriot, coordinateur du projet UNOC (Conférence des Nations unies sur l’océan) au ministère de la Transition écologique ; et Pierre Faury, étoile montante de l’art oratoire.

Deux voix, une mer : Mahaba et Robin, lauréats du grand prix SMLH

Parmi les discours, deux interventions ont particulièrement marqué les esprits. Mahaba Al Qahwachi, étudiante à Dauphine, s’avance dans le silence. Elle parle de la Méditerranée — non pas celle des vacances, mais celle des traversées périlleuses, des récits oubliés et des silences lourds. Elle convoque Camus, et parvient à faire résonner l’humanisme dans l’urgence migratoire. Sa voix, à la fois posée et bouleversante, emporte l’adhésion du jury : elle reçoit le Grand Prix SMLH. Peu après, Robin Dubreuil, étudiant en droit à Paris II, choisit un registre très différent. Il cite Victor Hugo — « Ce que la bouche dit vient du cœur » — et plaide pour une réforme profonde du droit de la mer. Son discours, rigoureux et poétique, oscille entre la norme juridique et la métaphore océanique : chez lui, la loi prend la forme d’une vague, et le texte devient une houle. Lui aussi est récompensé du Grand Prix SMLH, pour cette audace littéraire pleinement maîtrisée. Le Prix spécial du public, quant à lui, est décerné à Malo Billecocq, lycéen et benjamin du concours. Il séduit l’assistance par un hommage vibrant à Jacques-Yves Cousteau, témoignage touchant de la passion d’une génération nouvelle pour la mer et ses explorateurs.

Photo de groupe réunissant les 15 lauréats du concours, les membres du jury, ainsi que les équipes de la SMLH et de Deep Blue Foundation ayant contribué à l’organisation de La Tribune bleue.

Deux voix pour l'océan à l'UNOC 2025

La récompense ne s’est pas arrêtée à la scène de la Sorbonne pour Mahaba Al Qahwachi et Robin Dubreuil. Grâce au soutien de la Société des membres de la Légion d’honneur, les deux lauréats ont été invités à participer à la Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC), organisée à Nice en juin 2025. Leur déplacement a été intégralement pris en charge par la SMLH, qui a vu en eux des porte-voix engagés de la jeunesse maritime. Moment d’exception : le 3 juin, Mahaba et Robin ont ouvert la conférence dans la Green Zone, devant un parterre composé de représentants de la société civile, d’ONG internationales et de chefs d’État. Une tribune mondiale pour deux discours qui, nés dans l’écho d’un amphithéâtre parisien, ont résonné avec force sur la scène internationale. En leur offrant une tribune dans l’amphithéâtre Richelieu, la SMLH a tenu sa promesse : transmettre les valeurs d’engagement et de service, en donnant à la jeunesse les moyens de s’adresser au monde. Deux voix singulières, mais unies par une même exigence : refuser le silence et faire entendre la parole des générations à venir.

Deep Blue : quand deux étudiants rêvent grand

À l’automne 2023, les deux étudiants, Amine et Lorenzo, lancent Deep Blue dans les couloirs de la Sorbonne avec une idée simple : faire de la mer un sujet citoyen, accessible et porteur. Ils ne viennent pas du monde maritime, mais s’y intéressent avec passion. Très vite, ils trouvent un écho favorable auprès de la SMLH, qui leur ouvre des portes, les guide, les soutient. « On voulait créer une scène pour les idées marines. Pas seulement pour les experts, mais pour tous ceux qui veulent penser l’océan autrement », résume Lorenzo. Le pari est réussi. Après un passage remarqué aux Olympiades de la jeunesse au stade Charlety, Deep Blue prend de l’ampleur. Le concours La Tribune Bleue en est une étape fondatrice, mais ce n’est qu’un début.

Mahaba, réfugiée irakienne, un témoignage bouleversant, mêlant poésie, mémoire et engagement

Mahaba a raconté son premier contact avec la mer — non pas en la touchant, mais en la survolant depuis l’avion de l’exil — faisant de la Méditerranée un passage initiatique : «La Méditerranée amorçait mon nouvel horizon. Effaçant les décombres du passé et illuminant l’avenir, elle était la réalisation de mes rêves, l’incarnation de mon espérance». Elle a ensuite dénoncé les frontières invisibles imposées aux océans par l’activité humaine : « L’océan n’a pas de frontière, mais nous lui en imposons : par nos filets sans fin, nos sédiments toxiques, nos cargos qui dérangent les baleines. » Et de conclure avec une formule devenue leitmotiv : «Sanctuariser les océans, c’est protéger la vie qui nous protège.»

Robin, un discours à la fois rigoureux et lyrique, nourri de références philosophiques et juridiques

Robin a ouvert son propos avec une citation de Paul Valéry : « Le temps du monde fini commence. ». Avant de dénoncer le paradigme d’un progrès sans limite, qui réduit l’homme à un consommateur et l’océan à une ressource : « Le politique doit redevenir moteur de l’espérance. [...] Il faut oser réinstaurer des limites : à l’économie décomplexée, à la finance débridée, au progrès sans conscience. » Son intervention s’est achevée sur un appel à la responsabilité des États et au retour de la norme comme fondement de toute écologie durable.

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